La mystère Natasha St-Pier

Depuis quelques mois, la vie de Natasha St-Pier n'est plus tout à fait la même. Personne n'avait prévu l'ascension aussi spectaculaire de cette chanteuse, tant sur la scène nationale que sur la scène internationale. En quelques mois seulement, elle a lancé un album à succès, puis elle a participé à Notre-Dame de Paris, a fait la première partie des spectacles de Garou en Europe et a représenté la France au prestigieux concours Eurovision, où elle s'est classée quatrième. Résultat: elle est aujourd'hui la coqueluche des Français.

Natasha, que retiens-tu de ton passage au concours Eurovision? J'en garde un très beau souvenir car, même si j'ai travaillé extrêmement fort, j'ai réussi à m'amuser en même temps. La pression était énorme; en plus, c'est un événement d'envergure: tu représentes tout de même un pays...

De quelle façon as-tu abordé cet événement? J'y suis allée d'abord et avant tout pour l'expérience que ça pouvait m'apporter, tout en me disant que j'allais être heureuse si je réussissais à terminer parmi les cinq premières. Bien sûr, j'aurais aimé que la chanson Je n'ai que mon âme remporte les honneurs. Parce que l'Eurovision, il faut le dire, c'est d'abord un concours qui vise à couronner une chanson.

Il paraît que Céline Dion t'a appelée à la veille de l'événement? Elle a eu un geste d'une grande générosité... À un moment donné, Guy Cloutier, qui était au téléphone, m'a tendu l'appareil en me disant: "Tiens, Natasha, il y a quelqu'un qui veut te parler..." Je pensais que c'était un membre de ma famille ou une amie. Quand je me suis rendu compte que c'était Céline, je suis restée bouche bée tellement j'étais excitée de l'entendre. Je n'en revenais pas que mon idole prenne le temps de me téléphoner pour me témoigner son appui. Elle m'a appelée pour m'encourager, me dire comment elle avait vécu ce même concours en 1988, mais surtout pour me conseiller de m'amuser.

Ce n'est pas la première fois qu'elle te fait ce qu'on peut appeler un clin d'oeil sur le plan professionnel... Non, c'est exact. À l'occasion du lancement de mon premier album, en 1996, Céline et René Angélil m'avaient fait parvenir un bouquet de fleurs avec un mot me souhaitant la meilleure des chances à l'aube de ma carrière.

Grâce à ce qui se passe pour toi en Europe, ta carrière connaît une ascension fulgurante. Comment composes-tu avec cette réalité? Même si ça fait déjà quelque temps que je travaille en Europe, ce qui s'est passé au cours du dernier mois en France a été tellement intensif que j'ai l'impression d'avoir fait en quatre semaines ce que j'ai mis six ans à bâtir au Québec. C'est incroyable comme ça va vite, mais j'en suis extrêmement contente! C'est pas mêlant, chaque jour il m'arrive quelque chose d'excitant. Et puis, non seulement je m'amuse, mais ça me permet de prendre pleinement conscience que la chanson, c'est vraiment ma passion!

Parce qu'il faut dire que tu as longtemps considéré la chanson comme un passe-temps... Exactement. Mon rêve de faire carrière en tant que chanteuse est très récent. Même si j'ai enregistré un album à l'âge de 14 ans, ce n'est que vers 17 ans que j'ai vraiment commencé à rêver à ce qui m'arrive actuellement. J'en ai mis, du temps, avant de vouloir chanter de façon professionnelle. (rires)

Tu as un horaire des plus chargés. Comment occupes-tu ton temps libre? En premier lieu, je m'applique à ne pas penser au show-business. Je me fais un devoir de décrocher et de penser à quelque chose de complètement différent. C'est une question d'équilibre; si je réfléchis à ma carrière 24 heures sur 24, à un moment donné je serai incapable de poursuivre l'aventure. Quand j'ai quelques jours de repos devant moi, je n'écoute pas de musique et je m'arrange pour que ça soit relax. Je prends mes repas devant le téléviseur, je vois des amis, je vais magasiner, etc. Je ne suis vraiment pas du genre à faire des flaflas. Malgré tout ce qui m'arrive, je n'ai pas changé, je suis encore calme, terre à terre et rationnelle.

Et introvertie... C'est vrai que je suis une grande timide, que je parle peu et que j'ai toujours peur de déranger. Mais je constate que depuis quelque temps je suis plus extravertie qu'avant. J'ai beaucoup moins de difficulté à aller au-devant des gens. Autrefois, j'avais tellement peur de déranger que je m'empêchais d'aller bavarder avec une personne qui m'intéressait et que je voulais connaître. Mon côté introverti me privait de belle rencontres. Mais, petit à petit, les choses changent.

As-tu toujours été secrète et difficile à cerner? Toute jeune, j'étais déjà introvertie. Ma mère m'a déjà dit: "Toi, on te donnait une poupée et on ne savait jamais si tu étais contente." Cela vient du fait que je ne sais pas comment livrer mes émotions. Il faut que j'apprenne à le faire. Même si, dans mon for intérieur, je suis enthousiaste et excitée, je n'arrive pas à la montrer extérieurement. Même le ton de ma vois ne parvient pas à trahir mes sentiments. Pourtant j'utilise les bons mots... mais on dirait toujours que les gens s'attendent à ce que je réagisse autrement. Je sens toutefois que ma timidité est en train de tomber. Et je suis la première à m'en réjouir, car c'est un cadeau pour moi de me sentir de plus en plus à l'aise avec les autres.

7 jours, Vol 12 No 36, 7 juillet 2001