Julie Masse, la blonde comète de la chanson, poursuit son incroyable ascension sur la scène musicale. Loin de s'être usée au fil des mois, la talentueuse interprète continue en effet de tailler sa place dans le coeur d'un vaste auditoire à un rythme rarement vu dans l'histoire du show-business québécois.

Cette semaine, elle a franchi une autre étape de sa carrière en lançant un troisième vidéo-clip, qui alimentera sûrement plus d'une discussion, en raison de sa grande qualité et, surtout, du thème qu'on y aborde. En effet, après avoir chanté la douleur des ruptures amoureuses, la chanteuse, dont le premier microsillon vient de franchir le cap des 100 000 exemplaires vendus, aborde aujourd'hui le sujet de la mort par le biais de sa chanson Sans t'oublier, qui figure déjà en tête du palmarès. Inspirée d'une épreuve qu'elle a dû surmonter au cours de son adolescence, cette nouvelle réalisation nous montre un autre aspect de sa grande sensibilité. Chose certaine, par ses propos, elle témoigne que, même si le temps des chagrins s'est envolé, celui de la réflexion demeure...

Cette chanson est un hommage à la vie

Julie, que faut-il savoir de ta nouvelle chanson, Sans t'oublier

C'est avant tout une chanson qui aborde le thème de la mort et du déchirement qu'on éprouve au décès d'une personne qu'on a aimée. En fait, elle raconte l'histoire d'une jeune femme qui se pose beaucoup de questions après le décès de sa meilleure amie et qui cherche à comprendre pourquoi la vie les a ainsi séparées. Finalement, après avoir accepté que rien ne sera plus comme avant, elle se rend compte qu'il est temps pour elle de surmonter cette épreuve et s'efforce de redonner un sens à sa vie, qu'elle avait mise en veilleuse après la mort de son amie.

C'est donc une chanson qui se veut un hommage à la vie.

Tout à fait! C'est un hommage à la vie, mais aussi à l'amitié. Et, bien qu'on y aborde le sujet de la mort, je pense qu'elle apporte un beau message d'espoir, sans pour autant faire la morale à qui que ce soit. Ce qu'il faut retenir de cette chanson, c'est que, même s'il est parfaitement compréhensible qu'on puisse se sentir complètement déchiré et démuni après le décès d'un parent ou d'un ami, il faut affronter la réalité et ne pas s'apitoyer sur son sort. Il ne faut pas hypothéquer sa vie sous prétexte que rien ne sera plus comme avant. Il faut trouver la force de se relever et de faire confiance au destin. C'est pour ça que la chanson se termine avec les paroles "Sans t'oublier, toi, ma meilleure amie. Le coeur serré, prochain rendez-vous dans cent ans..." C'est là qu'est le message d'espoir: la jeune femme a compris que, malgré sa peine, il était possible de renouer avec sa propre vie et de continuer à regarder vers l'avenir, sans oublier sa meilleure amie.

Émotivement, le tournage du vidéo a été difficile

As-tu eu des commentaires du public concernant cette nouvelle chanson?

Oui. J'ai même reçu une lettre d'une jeune fille qui me confiait que son amie s'était suicidée et qu'elle avait, elle aussi, songé au suicide pour la rejoindre dans la mort; mais, après avoir entendu Sans t'oublier, elle a compris que ce n'était pas une solution et que sa vie valait la peine d'être vécue. Elle a surmonté sa douleur et elle a décidé de faire confiance à la vie. Ça fait réfléchir, quand tu reçois des lettres comme celle-là.

La chanson est accompagnée d'un vidéo-clip qui a nécessité un énorme travail de montage et qui a, selon plusieurs, établi de nouveaux critères en matière de qualité. Peux-tu nous en dire plus sur les images qu'on peut y voir?

C'est un vidéo qui respect le message d'espoir véhiculé par le texte de la chanson. Il y a des flash-backs dans lesquels on me voit plus jeune, en train de jour avec ma meilleure amie. On m'a coiffée comme une petite fille et je ne porte aucun maquillage; j'ai vraiment l'air jeune. Le clip montre surtout la complicité entre deux personnes, évoque les questions qui nous traversent l'esprit lorsqu'on est confronté au décès d'un être cher et, bien sûr, l'idée qu'il faut apprendre à poursuivre sa vie et à regarder devant soi malgré la peine qu'on ressent. Je suis fière de ce vidéo parce que, même si on y traite de la mort, les images témoignent d'un grand respect du sujet. Je n'aurais pas voulu d'un vidéo qui nous fasse voir quelqu'un sur un lit d'hôpital, des funérailles et des choses du genre. On a préféré utiliser des symboles, et je pense que le résultat est de bon goût. Chose certaine, c'est un vidéo qui a été particulièrement difficile à tourner, émotivement. Le tournage a pris une journée entière et j'avoue que c'est éprouvant sur le plan émotif de se concentrer sur un sujet comme la mort. Je suis sortie de cette expérience satisfaite, mais complètement vidée.

Mon ami ne demandait qu'à vivre

Ce que le public doit savoir, c'est que cette chanson a une profonde signification pour toi, puisqu'elle évoque une épreuve que tu as dû surmonter, il y a quelques années. Peux-tu nous en rappeler les circonstances?

Ça s'est passé quand j'avais seize ans. Un de mes meilleurs amis est décédé accidentellement, frappé par un autobus. Il avait le même âge que moi et ça m'a complètement révoltée de le voir mourir si jeune. Je ne comprenais pas pourquoi la mort venait le chercher de cette façon, alors qu'il ne demandait qu'à vivre. C'est un gars qui avait toujours la tête pleine de projets, et tout le monde l'aimait. Il était guitariste et il a été le premier à croire en moi. Il avait même composé une comédie musicale dans laquelle il avait créé un personnage sur mesure pour moi. Malheureusement, il est décédé avant que nous ayons eu le temps de travailler à son projet. D'ailleurs, il est décédé deux semaines avant la présentation de la comédie musicale West Side Story, dans laquelle il aurait joué à mes côtés à la fin de notre année scolaire. La nouvelle de sa mort a eu l'effet d'une bombe à l'école et, le lendemain de son décès, nous nous sommes réunis entre étudiants et nous avons décidé de présenter la pièce quand même, pour lui rendre un dernier hommage. C'est son meilleur ami qui l'a remplacé sur scène, et laisse-moi te dire qu'il y avait de l'émotion dans l'air. Le plus bizarre de l'histoire, c'est que, deux semaines avant sa mort, mon ami (elle tait volontairement son identité par respect pour la famille) nous avait demandé de faire tout ce qu'il était possible pour présenter quand même notre comédie musicale s'il lui arrivait quelque chose. C'est comme s'il avait eu un pressentiment. Tout ça pour dire que c'est à lui que je pense lorsque je chante Sans t'oublier. C'est ma façon à moi de lui dire qu'il a été important dans ma vie.

Et comment as-tu surmonté cette épreuve?

Ça m'a pris du temps avant d'accepter son décès. C'était mon premier contact avec la mort et je ne comprenais pas que la mort vienne chercher quelqu'un d'aussi jeune. Ma mère m'a fait comprendre que c'était sans doute parce qu'il avait accompli ce qu'il avait à faire sur terre, mais je t'avoue que j'ai trouvé ça bien difficile d'accepter son départ. Peu de temps après son décès, quand je me couchais le soir, je me demandais s'il pouvait me voir ou m'entendre. Je me posais toutes sortes de questions et je n'arrivais pas à trouver de réponses. Pour ma part, j'ai de la difficulté à croire en quelque chose si je n'ai pas de preuves concrètes et, comme la mort et la vie après la mort sont des choses totalement inconnues, je continue de me poser plein de questions.

J'ai refusé de m'apitoyer sur mon sort

Que réponds-tu à ceux qui affirment que, lorsqu'on pleure une personne, on pleure surtout notre dépendance vis-à-vis d'elle?

Ça dépend du degré de dépendance. Lorsque mon ami est mort, je n'ai pas pleuré parce que j'étais dépendante de lui, mais plutôt parce que je savais que je ne le reverrais pas, que je n'échangerais plus avec lui. J'étais d'autant plus malheureuse qu'il me semblait qu'on avait encore plein de choses à accomplir ensemble. Par contre, même si je me suis révoltée lorsque j'ai appris son décès et si j'ai mis un certain temps à accepter la réalité, j'ai refusé de m'apitoyer sur mon sort. À un moment donné, j'ai pris conscience que j'avais ma vie à vivre, que j'avais une route à suivre et que je n'avais pas à aller contre mon destin.

Parce que tu crois au destin?

Absolument! Je suis convaincue que chacun a une route de tracée et un rôle différent à jouer dans la vie. Je suis certaine qui, si je fais ce métier, c'est parce que mon destin le voulait ainsi. J'aborde mes rencontres avec les gens de la même façon. C'est-à-dire que si je suis avec toi aujourd'hui, c'est parce que c'étais voulu ainsi et ce n'est pas du tout l'effet du hasard. C'est pour ça que je porte toujours attention aux nouvelles personnes que je rencontre; je me dis qu'elles entrent dans ma vie pour des raisons bien précises.

Maintenant que l'on sait ce qu'évoque pour toi Sans t'oublier, pourquoi le texte parle-t-il d'une amie alors que l'histoire que tu as vécue concerne un garçon?

J'ai demandé qu'on y parle d'une fille parce que, si le texte avait parlé d'un garçon, les gens se seraient peut-être imaginé que la chanson traitait d'une rupture amoureuse. Je voulais que le thème de la mort soit clair pour tout le monde. En parlant d'une amie plutôt que d'un ami, je pense que ça suscite encore plus l'attention. À ce sujet-là, j'aimerais préciser que cette chanson avait été écrite en anglais et que le texte racontait effectivement le décès d'un jeune homme. Ce sont deux musiciens du groupe Mozart qui l'ont écrité, trois jours après que leur guitariste soit mort à la suite d'une crise d'asthme. Ils ont accepété qu'on fasse un texte en français à partir de leur musique, mais à la condition de garder le même thème. Le chanteur Toyo a donc rédigé le texte en français et j'ai tout de suite accepté de l'interpréter parce que ça correspondait parfaitement à l'épreuve que j'avais surmontée. Ça raconte exactement mes interrogations d'alors, et ma décision d'accepter cette triste réalité et de retrousser mes manches pour faire ma vie.

Ce n'est donc pas une chanson que tu as accepté de chanter comme ça, tout bonnement, sans raisons profondes?

Pas du tout! Cette chanson me tient particulièrement à coeur. J'ai d'ailleurs eu énormément de difficulté à l'enregistrer, en studio. J'avais les yeux pleins d'eau et la gorge serrée en pensant à mon ami qui était décédé si jeune. Il a fallu que je m'y reprenne plusieurs fois avant de pouvoir la chanter comme je le voulais. Et je pense que le résultat témoigne bien de ma sincérité, puisque c'est un indéniable geste du coeur.