Elle est probablement la plus belle fille du monde, blonde et radieuse avec ses yeux rieurs et sa moue taquine. Elle a 20 ans, elle nage dans le succès et elle vient de remporter un disque d'or pour son premier album, vendu à 156 000 exemplaires. Aussi bien dire que Julie Masse voit la vie en rose.
Alors, comment expliquer qu'elle nous propose maintenant un nouveau disque intitulé Les idées noires? "Je chante ce que je vois, dans la rue, dans la vie. Je parle des ghettos d'amour, de solitude, d'alcoolisme, du désespoir des gens coincés dans l'engrenage. Tous les jeunes de 20 ans sont préoccupés par l'environnement, la couche d'ozone, la drogue et tout... " Et elle se donne le mal d'enregistrer tous ces drames sur '48 pistes digital' pour que ce son-ci l'emporte sur ces sons-là. Si on ne capte pas le message, c'est qu'on est sourd à demeure!
Étrangement, c'est dans un petit salon du Café Cherrier, face au carré Saint-Louis, que Julie fait cette profession de foi: "Je ne suis pas une sorteuse." À 21 h 30, elle bâille. À 22h, elle file. Non seulement elle ne boit pas, ne fume pas et ne drague pas, mais elle oblige ses musiciens à une sobriété quasi totale jusqu'à la fin de chacun de ses spectacles ni coke ni alcool, à peine de la ".5")! "Je pense que la nouvelle génération de musiciens est comme ça. En tout cas, moi, je ne supporte pas une vie déréglée. Je suis vraiment l'enfer, là-dessus, je ne suis pas sortable!"
Plus sage que ça...
Sa réputation de 'jeune fille modèle' est bien fondée. "Plus straight que moi, tu meurs! dit-elle en riant. Quand je chantais dans les clubs avec un groupe, mon père avait peur que je tombe dans la drogue. À l'école, j'ai eu un ami qui est décédé d'une overdose, un autre qui a réussi à se désintoxiquer de peine et de misère, une amie, danseuse nue, qui pouvait facilement s'en procurer... Il n 'y a rien à faire, je n 'ai pas le goût. J'ai peur de la drogue, c'est une hantise. J'aurais peur d'y toucher; de mourir là. Je me sens mal dès que je ne suis pas en contrôle. Je mène une vie très saine. Pour les journalistes, évidemment c'est ben plate à raconter!" Voilà ce que ça donne de regarder Scoop toutes les semaines!
Son père écoutait de la musique western tous les dimanches matin et chantait des tounes d'Elvis dans les grandes circonstances. Sa mère n'aurait pas détesté faire une carrière musicale, son frère se défend pas mal au piano et les cousins de la rue voisine jouent tous d'un instrument. On ne devient pas forgeron sans avoir vu, quelque part, forger le fer. Malgré tout, Julie, qui a toujours été studieuse et douée à l'école - bien sûr! , n'avait pas du tout rêvé de devenir une star de la chanson. Serge Brouillette, son agent, protecteur et frère d'adoption, le premier à avoir perçu le feu sacré chez l'adolescente qui s'éclatait sur la scène d'un cégep, a eu tout le mal du monde à la convaincre de se lancer dans une carrière professionnelle. "J'étais persuadée qu'il m'était impossible de gagner ma vie en chantant, dit Julie. Je voulais réussir, je ne voulais pas crever de faim. Je pensais m'orienter en biologie. J'ai mis du temps à croire Serge, à lui faire confiance à 100%."
Maintenant, ça y est! L'adolescente qui avait la bougeotte et devait "se calmer" en se défonçant dans la gymnastique, la trampoline, l'équitation et le vélo s'apprête à faire un grand sprint en France sur le circuit de Roch Voisine. "J'aime la langue dans laquelle je chante. J'aimerais chanter en français non seulement au Québec et en France, mais aussi à New York et à Toronto. Patricia Kaas chante dans sa langue partout dans le monde. C'est formidable!"
Les rêves de Julie
Autrefois, Julie rêvait vaguement d'une ferme et d'un cheval. Aujourd'hui, toutes frontières franchies, elle se voit voguer sur les flots d'un océan turquoise, sous un soleil décapant à 37,2º le matin. "Mon plus grand rêve, c'est d'être assez riche pour m'acheter un gros voilier de 100 pieds et vivre plusieurs mois dans le Sud, entourée de dauphins. C'est magique!" Ou encore de s'installer à Paradise lsland sur un grand terrain planté d'une multitude d'arbres venus de tous les pays du monde. Sublime!
Mais à 20 ans, est-ce qu'on ne rêve pas d'amour entre les repas? "J'ai mes amours et je m'en occupe. Je veux aussi avoir des enfants, un jour. Mais c'est un terrain privé sur lequel aucun journaliste ne doit mettre le pied." Serge, si gentil, pourrait se transformer en gros-toutou-méchant si on s'avisait de ne pas respecter l'écriteau.
M. l'agent formule des projets de longue durée pour Mlle Julie. Pas question de coup de fric pendant quelques années pour se lancer ensuite dans l'hôtellerie à Huatulco. La preuve, c'est qu'il a refusé des contrats particulièrement intéressants, dont quelques pubs, pour ne pas 'brûler' son artiste. Qu'on se le dise, Julie Masse est avec nous pour les 25 ans à venir!
À l'horizon durant l'été une grande tournée des festivals, de Montréal jusqu'à la Baie-James. En mai, le vidéoclip À contre-jour pour appuyer Les idées noires, cet album sur lequel on retrouve cinq textes de Manuel Tadros (auteur de la chanson C'est zéro), les autres étant signés Jim Corcoran, Yves Décarie et Isabelle Brouillette (soeur de Serge), sur des musiques de Romano Musinamara, Réjean Lachance, Marc Baker et Michael Bolton. "Je n'ai pas eu la chance de rencontrer Michael Bolton, regrette Julie. L'entente a été conclue par le biais d'une maison d'édition. Par contre, j'avais rencontré Jim Corcoran sur un plateau et, naturellement, on était portés a aller l'un vers l'autre. Dans l'un de mes spectacles, il est monté sur scène pour chanter avec moi sa chanson Le boogie et il m'a écrit une chanson pour mon nouvel album."
C'est papa qui aurait été content! On sait que Julie a perdu son père, il y a quelques mois, dans un accident d'avion. Un vrai papa gâteau, son complice d'espiègleries et son fidèle admirateur. "Ç'a été très difficile. Mais on se tient, ma mère, ma soeur, mon frère et moi. C'est le clan. Ensemble, on a pu s'aider à accepter. Et puis, en même temps qu'il y avait la mort d'un côté, il y avait la naissance du bébé de mon frère... Un beau poupon blond aux yeux bleus que je m'empresse de "catiner" dès que j'ai une minute de libre." Sans blague, Julie Masse s'amuse à "donner le boire" et à changer les couches de bébé? Eh oui! Elle pense déjà à lui apprendre à faire des dessins et à jouer "au neuf". Les cartes, c'est une passion dans la famille. N'empêche, depuis la mort de son père, elle a une sainte horreur de l'avion...
TV Hebdo, Vol. XXXIII, No 21