La vie de Julie Masse a récemment été bouleversée par un événement tragique: son père est décédé dans un accident d'avion. Un autre événement important, heureux cette fois, est également survenu dans sa vie - une nièce prénommée Valérie venait s'ajouter à la famille, le 31 décembre dernier. Sur le plan professionnel, Julie lançait, le printemps dernier, un nouvel album - À contre-jour - ainsi qu'une nouvelle chanson - Les idées noires. Les textes de l'album dénotent une prise de conscience aïgue des problèmes sociaux. "J'ai eu une enfance heureuse, et mes parents ne m'ont pas mis de bâtons dans les roues, explique la chanteuse de 22 ans. Je n'ai donc jamais eu le goût de me révolter ou de faire des folies. Mais je peux comprendre les jeunes qui prennent de la drogue: ils n'ont pas tous eu la chance que j'ai eue."
Au cours d'une longue et agréable entrevue, j'ai pu constater que Julie a trouvé un bel équilibre entre la volonté et la générosité, la détermination et le respect des autres. Par exemple, pour son prochain 45 tours, elle fera choisir un extrait d'À contre-jour par les membres de son fan club. "Je leur ai demandé de m'écrire pour me donner leur opinion. Jusqu'ici, c'est la chanson À contre-jour qui semble être la grande favorite." L'ancienne étudiante en psychologie a donc plus d'un tour dans son sac lorsqu'il s'agit de jouer les bonnes cartes. Désormais, la jeune fille tranquille de Ville Lemoyne est une femme sensible qui tient solidement les rennes de sa carrière.
Julie, qu'avez-vous fait pendant les mois qui ont précédé la sortie de votre nouvel album, À contre-jour?
J'ai pris des vacances et je me suis reposée. C'était important pour moi de partir hors du Québec, dans un endroit où personne ne peut me reconnaître. J'ai fait du voilier dans les Bahamas pendant un mois. Au retour, j'ai passé beaucoup de temps en famille, auprès de mon frère et de son bébé, de ma mère et de ma soeur. J'en ai profité pour faire des soupers à la maison. C'est une chose importante que je n'avais pas eu le temps de faire pendant un bon moment. En fait, je ne prenais plus le temps de faire ces choses-là; dès que j'avais une journée de congé, j'allais au cinéma. Récemment, j'ai recommencé à donner des spectacles, mais, cette fois, j'ai décidé de garder le contact avec ma famille. Hier encore, je suis allée chez mon frère pour une partie de billard...
Votre frère, Denis, est depuis six mois le père d'une belle petite fille, Valérie. Cette naissance tombe sûrement à point?
Bien sûr! Un nouveau-né, c'est précieux, et Valérie arrive juste au bon moment dans notre famille. Ma mère s'en occupe beaucoup, et ça lui fait le plus grand bien. La famille se remet tranquillement de la mort de mon père. De plus, le père d'Anne Marie, la femme de Denis, est décédé d'un cancer un peu avant le mien. Il y a donc une belle compréhension entre les deux familles. Les deux grands-mères s'épaulent l'une l'autre, et elles ont même décidé de partir en vacances ensemble. Elles étaient déjà amies, mais ces épreuves les ont beaucoup rapprochées.
Je connais plusieurs jeunes filles qui ont souffert d'avoir perdu leur père avant d'avoir réglé certains conflits. Est-ce votre cas?
Non, parce qu'on se disait toujours tout à la maison, et qu'il n'y a jamais eu de conflits chez nous. À la mort de mon père, je n'ai pas eu de soucis. Quand on règle les problèmes au fur et à mesure, on ne se rend pas malade. Mon père m'a toujours laissé une grande liberté. Pour toutes ces raisons, l'épreuve a été plus facile à traverser pour moi. Je dirais que le plus difficile pour nous, les enfants, ç'a été d'être les témoins de l'immense peine de ma mère et de nous sentir complètement impuissants. Je voulais l'aider, mais, au fond, je ne le pouvais pas parce qu'il n'y a que le temps qui peut cicatriser ces blessures.
Dans À contre-jour, vous semblez chercher à nous montrer un côté plus humain de Julie Masse. Est-ce le fruit de ces expériences passées?
Disons que je sais davantage ce que je veux et ce que je ne veux pas. Et j'ai le goût d'exprimer mes émotions. C'est pour cette raison que j'ai demandé à mes auteurs de privilégier les thèmes entourant les jeunes et les scènes quotidiennes de la rue. J'avais carte blanche et j'ai décidé de m'orienter vers des sujets à caractère social. J'avoue que je n'ai pas vraiment pensé à ce que j'allais projeter comme image, mais plutôt à ce que j'avais envie de dire. Moi, un texte, il faut que je le ressente dans mes tripes, sinon je ne peux pas le chanter. Sur ce plan-là, je n'ai pas changé, mais j'ai dernièrement pris davantage conscience de ce qui se passe autour de moi. J'ai eu une enfance heureuse et des parents fantastiques, et, pendant longtemps, je ne me suis pas rendu compte de l'importance de certains problèmes. En rencontrant les jeunes et en lisant leurs lettres, j'ai compris qu'il y a des gens qui vivent parfois de sérieux problèmes, et que je peux leur venir en aide grâce à ma musique.
Est-ce une prise de conscience qui vous permet de passer avec plus de sagesse au travers de vos propres épreuves?
Peut-être, mais je crois que c'est surtout une question de personnalité et de mentalité. Tout dépend de la manière dont on ressent les choses. Ce qui m'a vraiment aidé, c'est d'avoir, autour de moi, beaucoup de gens qui m'aiment et qui me le montrent. Ce n'est pas tout le monde qui a cette chance, et en lisant les lettres de mes fans, je l'ai vivement ressenti. C'est la raison pour laquelle j'ai eu envie de parler des innombrables embûches de la vie, dans mes nouvelles chansons. Pour moi, il est très important de pouvoir aider les jeunes.
Julie, vous avez toujours su préserver une belle capacité d'émerveillement et une grande générosité. Ces qualités vous ont-telles été léguées par vos parents?
Je crois que ça fait partie de ma nature. J'aime serrer les gens dans mes bras. Lorsque je travaillais au magasin de mon père, je souriais à tout le monde. Aujourd'hui, encore, je souris en me levant le matin! De plus, je suis incapable de me quereller. Pourtant, on dit parfois qu'une bonne chicane, ça fait le plus grand bien... Mais je n'y crois pas. Je crois plutôt aux discussions. Quant à mes parents, ils m'ont surtout appris à ne rien prendre pour acquis dans la vie, et qu'il faut sans cesse continuer à se battre pour conserver ce qu'on a gagné, que ce soit le succès, l'amitié ou l'amour. Ces valeurs sont profondément ancrées en moi, et l'humilité et la simplicité sont désormais des qualités naturelles chez moi. J'avoue que je ressemble beaucoup à ma mère, physiquement et mentalement. Plus jeune, elle était aussi gaffeuse et étourdie que moi et elle m'a avoué que c'est pour ça qu'elle n'a jamais osé me punir sévèrement. Elle me laissait aller jouer dans le bois, toute la journée, et elle m'accrochait la clef de la maison autour du cou pour que je ne la perde pas!
En parlant d'enfants, avez-vous le désir d'en avoir, un jour?
Sûrement! La naissance de Valérie m'a fait comprendre à quel point c'est important d'en avoir un. Pour l'instant, c'est impossible, mais c'est évident que j'en aurai un jour. Et j'en aurai au moins deux. Je ne voudrais pas que mon enfant grandisse seul. J'ai grandi avec un frère et une soeur et je me trouve chanceuse d'avoir pu voler les blouses et les talons hauts de ma soeur aînée. Il faut passer à travers des expériences comme celles-là. Je me rappelle tout ça, quand je vois Valérie grandir. Et elle grandit vite! Ses dents ont poussé; elle essaie de marcher et elle commence à dire papa et maman. Elle est de plus en plus belle, et je ne veux absolument pas rater son évolution.
Quelle serait votre plus grande satisfaction dans le fait de devenir mère?
Ce serait de pouvoir partager mes connaissances et mon expérience avec mon enfant et lui inculquer les valeurs auxquelles je crois, surtout l'honnêteté et la générosité. Je ne voudrais pas avoir un enfant gâté qui veut tout garder pour lui. Je félicite mes parents d'avoir réussi à me donner ces qualités-là. Ma mère n'était pas une mère-poule, et je voudrais essayer de faire comme elle et de suivre ses conseils. Elle n'était jamais inquiète et elle était très patiente, encore plus que moi. Et comme moi, elle aime tout le monde et elle a toujours le sourire.
De toute évidence, votre éducation a eu un effet très bénéfique sur votre attitude face à la vie. D'après vous, quel est le secret de l'harmonie familiale?
Il faut tâcher de régler les problèmes quand ils se présentent. La communication, c'est ce qui est le plus important dans les relations amoureuses, familiales et professionnelles. Quand on a quelque chose à dire, il faut le communiquer. C'est facile à dire, mais difficile à faire. Il faut trouver le moment opportun pour le faire, et c'est à chacun de trouver ce moment et aussi la manière de le dire. Quand on a quelque chose de désagréable à dire, il ne faut pas attaquer l'autre; il faut simplement lui dire ce qu'on ressent. C'est une des bonnes choses que j'ai apprises dans mes cours de psychologie et dont je me sers régulièrement. Il faut être réceptif aux problèmes des autres et ne jamais les culpabiliser.. Moi, le ne regarde pas le plafond quand on me parle...
La psychologie est un domaine qui semble toujours vous intéresser vivement. Aimeriez-vous éventuellement terminer vos études?
Je ne travaillerai pas dans le domaine de la psychologie, mais plutôt au magasin familial. Je n'ai pas le goût de voir des gens de l'extérieur s'en occuper. J'y ai travaillé pendant quatre ans et j'ai adoré ça parce que je pouvais m'y intéresser et exprimer mes idées. Ce magasin existe depuis 15 ans, et je ne pourrais pas travailler ailleurs. Ma mère s'en occupe avec ma tante et mon frère, Denis, et malgré le départ de mon père, les affaires roulent très bien. J'aimerais travailler avec elle.
Aujourd'hui, vous êtes, somme toute, une jeune femme comblée. Vous reste-t-il quelques beaux rêves à réaliser?
Continuer à faire de la musique, parce que ça permet aux jeunes d'être heureux et parce que ça me procure une très grande satisfaction. J'aimerais chanter un peu partout, en Europe, en Asie, au Japon et en Afrique, mais en demeurant le plus souvent possible au Québec, parce que je suis très bien chez moi avec ma mère, ma soeur Hélène, mon frère Denis et ma petite nièce, Valérie. Et un autre de mes grands rêves, ce serait d'acheter un voilier de 60 pieds pour naviguer un peu partout. Je crois sincèrement que je vais finir mes jours sur un bateau, avec ou sans famille.