À contre-jour sous l'angle du pop-rock américain

L'impresarion de Julie Masse, Serge Brouillette, me cause de transfert d'image. Juste avant que je lui confie avoir eu peine à reconnaître la jeune star en lorgnant la pochette de son nouvel album.

À contre-jour nous présente une vamp aux cheveux bouclés, lèvres écarlates, regard sensuel, le tout enrobé d'un design classy. Est-ce bien la jeune soliste de 22 ans ?

Or le gérant ne causait pas d'un transfert d'image publique, mais bien d'un nouveau procédé photographique supposément révolutionnaire, procédé dont je ne connais pas les subtilités. J'étais donc dans le champ. Ou plutôt hors champ...

"Nous avons aussi choisi cette pochette pour faire parler, et nous trouvons ça artistiques", de commenter Serge Brouillette, qui ajoutera avoir opté pour ce design "par instinct, tout comme le reste de l'encadrement ayant trait à la carrière de Julie Masse". Nouvelle stratégie de mise en marché ? ..liet, clament à l'unisson la jeune chanteuse et son gérant.

Et, je vous le confirme, Julie Masse n'a pas changé d'un iota lorsqu'on la rencontre en personne. Pour la jeune star des variétés québécoises, le processus d'un deuxième album en carrière n'est donc pas celui de Vanessa Paradis ou de Mitsou, qui ont gonflé dans nos imaginaires comme de la gomme balloune.

Gamine sympatique d'entrée de jeu, la blonde Vanessa adopte désormais le look et l'attitude d'une Lolita perverse, effectuant une transition radiacle avec feu Gainsbourg, poursuivant la démarche avec Lenny Kravitz - qui, en plus de partager le matelas de la star française, est aussi en train de réaliser son prochain album.

Chez nous, Mitsou a vécu une mue comparable; elle s'affiche désormais avec les alternos, se produit aux Foufounes Électriques avec les Men Without Hats, aspire à un type de variété beaucoup plus branchée. Et ces deux enfants chéries du marché familial sont ainsi devenues beaucoup moins populaires, pour l'instant du moins.

Pour Julie Masse, pas question de négocier un tel virage. Elle est toujours la chanteuse la plus saine en ville, se tient toujours sur le lait 2 p. cent, combine allègrement look sexy (mais pas trop...) et valeurs de bonne famille.

Pop-rock

On l'aura prévu, Julie Masse s'estime plus que satisfaite de À contre-jour.

"Je trouve ça écoeurant! s'exclame-t-elle. Le mix, le son, ma voix: tout est meilleur que sur mon premier album. Je joue davantage avec ma voix, j'ai plus de contrôle, et je me suis plus amusée."

Julie Masse décrit maintenant son angle d'attaque comme étant "du pop-rock américain chanté en français". Plus pop-rock, plus de guitares... On ne sera pas étonné de ses goûts: Richard Marx, Patrick Bruel, Def Leppard et Genesis constituent le peloton de tête de ses artistes favoris. Quelques ornements alternatifs complètent cette panoplie très, alors là très conformiste - les Cocteau Twins, par exemple.

"C'est une progression naturelle du premier album. Il y a beaucoup de variété, comme sur le premier", tient-elle à préciser.

À peu de détails près, Julie Masse a conservé le même band qui l'a acompagnée pour sa première tournée: John McGale et Réjean Lachance aux guitares, Mario Labrosse à la batterie, Paule Morin aux claviers, Kevin de Souza à la basse, etc. Tout ce beau monde se retrouvera avec elle pour la prochaine tournée qui s'amorcera au début de l'été.

"On s'aime bien, on s'entend très bien, c'est pourquoi on a tous été ensemble en studio. Et puis je les trouve tellement bons! Tu vois Kevin partir sur la basse et tu vibres. Ils m'ont permis de faire des choses que je n'aurais jamais faites; les gars m'ont composé un blues, par exemple".

Sur 48 pistes, À contre-jour a été réalisé par Mark Baker, un Anglo-Montréalais qui est à faire sa niche parmi les auteurs-compositeurs en Californie (il a jadis écrit Pour une histoire d'un soir, chanson popularisée par Marie-Denise Pelletier). Un des amis de Baker, James Christian, lui aurait prêté main forte pour finaliser la réalisation.

Manuel Tadros, responsable du tube C'est zéro (qui avait lancé Julie Masse il y a moins de deux ans)m a signé cette fois cinq textes en plus d'assister la chanteuse en studio, question voix. Yves Décary (Darling de Roch Voisine, Maude de Joe Bocan) en a écrit trois autres, tandis que Jim Corcoran et Isabelle Brouillette (la soeur du gérant) en ont chacun signé un.

Et la critique ?

Et la pression du deuxième album ? La belle Julie ne camoufle pas un miligramme d'angoisse derrière son sourire radieux.

"Je n'ai pas vraiment senti cette pression, répond-elle. Si je m'arrêtais à ça, je n'avancerais pas. Je sais que j'ai des choses à prouver et à apprendre, et j'entrevois ma carrière de la façon suivante : chaque nouvel album est un nouveau départ. Rien n'est acquis. Il faut toujours que tu bûches comme si tu débutais dans le métier. Je n'ai pas le choix, le showbiz est ainsi fait. Mais en studio, je trippe au boutte. Et je crois tellement à mon affaire!".

Mais Julie Masse n'est pas blindée au point de se montrer insensible à la pression... et à la critique. On se souvient que son spectacle s'est fait planter allègrement par les médias montréalais, l'automne dernier.

"C'est sûr que ça m'énerve un peu, c'est sûr que ça me ferait de quoi si ça arrêtait. Mais je ne serais pas démolie. Et je suis au début du processus : on a encore bien des disques à faire avant de reconsidérer quoi que ce soit".


Alain Brunet