Comment j'ai découvert Julie Masse

Il faut remonter très loin dans l'histoire du showbiz québécois pour trouver un artiste qui a connu un début de carrière aussi fulgurant que Julie Masse. En deux ans à peine, elle a vu ses deux premiers albums s'écouler à près de 300 000 exemplaires, récolté les titres d'Interprète féminine de l'année et de Découverte de l'année en 1991, occupé sans relâche les sommets des palmarès et présenté des dizaines de spectacles tous aussi courus les uns que les autres. À quoi ou à qui attribuer une telle réponse à cette question, 7 JOURS a rencontré Serge Brouillette, son impresario. Particulièrement discret jusqu'ici avec les représentants des médias, l'homme de 35 ans a accepté pour nous de démystifier ce qu'il est maintenant convenu d'appeler le phénomène Julie Masse.

Serge Brouillette, à quand remonte votre première rencontre avec Julie Masse?
Ça remonte aux alentours de 1987 puisque Julie avait 17 ans. À l'époque, elle était choriste pour un groupe de jeunes musiciens. Dès que je l,ai vue, j'ai su du'elle allait devenir une grande vedette de la chanson. J'en étais convaincu!

Pourquoi donc?
Je suis incapable de l'expliquer. Il n'y a pas de mots, je crois, pour décrire ça. Tout ce que je sais, c'est que je l'écoutais chanter et que je me disais: "Elle, elle l'a!" Dieu sait que j,en ai entendu, des chanteuses dans ma vie, mais avec Julie, il y avait quelque chose de magique, quelque chose que les mots ne peuvent pas traduire. Comme j'avais rarement ressenti un tel feeling face à une jeune artiste, j'ai écouté mon instinct...

Qu'avez-vous fait?
Je suis allé la voir et, après m'être présenté, je lui ait dit: "Si jamais tu veux faire un disque, je suis intéressé à le produire et à m'occuper de ta carrière."

Sa réaction n'a pas été celle que vous espériez, je crois...
Elle a trouvé ça drôle.

Ça lui semblait peut-être trop beau pour être vrai. Après tout, elle avait passé l'âge de croire au père Noël...
J'avais probablement l'air du gars qui s'était dit: "Wow! V'là une belle jeune fille à qui je peux faire miroiter les rêves du showbiz." C'est elle, au fond, qui pourrait te dire ce qui lui est passé par la tête à ce moment-là. Mais, en ce qui me concerne, j'étais très honnête.

Sauf que ça regardait mal...
Je n'étais pas découragé parce qu'elle n'avait pas refusé mon offre de façon catégorique. Elle m'avait plutôt expliqué qu'elle ne se sentait pas encore prête à se lancer dans une telle aventure.

Que s'est-il passé ensuite?
J'ai continué d'aller l'entendre chanter, on a appris à se connaître et, tranquillement, un climat de confiance s'est installé entre nous. Puis, après un certain temps, elle a quitté le poste de choriste pour assumer celui de chanteuse soliste du groupe avec lequel elle travaillait. Ça m'a donné une idée encore plus précise de son talent d'interprète.

Ça répondait à vos attentes?
Et comment! Quant j'écoute Julie chanter, ce n'est pas rare que j'aie la chair de poule et que des frissons me passent dans le dos.

Quand s'est-elle finalement décidée à accepter votre offre?
Environ deux ans après notre première rencontre. On était devenus de bons amis, et, un jour, je l'ai invitée à figurer dans le vidéoclip Magic, du chanteur Toyo, dont je m'occupais aussi. Julie a accepté et je crois que c'est au cours de cette journée qu'elle a vraiment eu la piqûre, comme on dit.

C'était aussi sa première expérience professionnelle...
C'est ça! Dans ce vidéoclip qui montre Toyo en spectacle, Julie apparaît comme choriste... Toujours est-il qu'une semaine plus tard elle est venue me trouver pour me dire qu'elle était prête à tenter sa chance sur la scène professionnelle.

Qu'avez-vous fait alors?
J'ai téléphoné à Manuel Tadros, qui avait travaillé sur l'album de Toyo, et je lui ai demandé s'il avait des chansons à me proposer pour Julie. C'est à ce moment-là qu'il nous a remis C'est zéro, qu'il avait composée pour lui mais qui dormait dans un tiroir depuis un bon bout de temps déjà. Julie s'est présentée au studio pour faire un test et, comme les gens l'auront deviné, la magie a opéré. La suite, tout le monde la connaît.

Depuis ce jour, votre vie n'est plus vraiment la même...
Même si je rêvais depuis longtemps de fonder ma compagnie de disques et d'exercer le métier d'impresario, j'admets que l'arrivée de Julie dans ma vie m'a grandement fait réfléchir et m'a fait acquérir beaucoup de maturité.

Ça vous a incité à réfléchir à quoi, au juste?
À mon avenir. Julie m'a fait faire ce que j'appelle un important choix de vie. Lorsque j'ai vu à quel point elle était prête à s'engager et à travailler pour réussir, j'ai dû, moi aussi, prendre la décision de m'investir sans demi-mesures. En fait, elle m'a permis de visualiser mon avenir et d'en arriver à me dire que tout est possible, que tous les rêves sont à notre portée.

Quels métiers avez-vous exercés avant de la rencontrer?
Dès l'âge de quinze ans, je travaillais comme technicien du son et éclairagiste dans les clubs et cabarets de la province. Par la suite, j'ai été propriétaire de deux magasins de disques et j'ai aaussi été guide touristique à Hawaï pour les visiteurs francophones. Et puis, comme je le disais, je m'occupais aussi depuis plusieurs années de la carrière du chanteur Toyo.

Que feriez-vous aujourd'hui si vous n'aviez jamais rencontré Julie Masse?
Je m'occuperais probablement d'une autre artiste, mais sûrement dans des conditions différentes parce que travailler avec Julie, c'est quelque chose d'unique.

Pourquoi?
Parce que c'est facile de s'entendre avec elle. Elle n'est pas prétentieuse, elle ne fait pas de crises de vedette, elle est encore capable de s'émerveiller et elle a à coeur son métier de même que les responsabilités qui s'y rattachent.

Est-ce qu'elle participe vraiment aux décisions relatives à sa carrière?
Absolument! Lorsque je prends une décision, j'en discute avec elle et je lui demande si elle est à l'aise avec telle ou telle option. C'est comme ça que ça fonctionne avec moi.

C'est très bien, ça.
Je n'ai pas de mérite puisque ça a toujours été ma façon de penser. Julie, je ne la perçois pas comme un simple produit mais bien comme un être humain. Je ne perds jamais ça de vue. Pour dire la vérité, je la considère comme ma propre soeur et je ne ferais jamais rien pour l'embêter ou lui faire du mal.

D'après vous, qu'est-ce qui fait sa force?
Sa détermination. Elle n'en donne peut-être pas l'impression parce qu'on la perçoit davantage comme une jeune femme toute douce, mais Julie est mentalement très forte. C'est bien simple: il n'y a rien pour lui faire baisser les bras ou la décourager. C'est quelque chose que j'apprécie chez elle parce que c'est le genre d'attitude qui caractérise les gagnants. Aussi, elle aime terminer ce qu'elle a commencé. À mes yeux, c'est une autre belle preuve de maturité.

À quoi attribuez-vous son succès?
Au départ, il y a son talent d'artiste, bien sûr, mais, pour être franc, son succès n'aurait pas été possible sans tout le travail qu'elle a accompli depuis maintenant près de trois ans. Julie, c'est une travailleuse acharnée et je dois le souligner parce que ce succès, elle ne l'a pas volé.

Son attitude la sert bien, d'ailleurs, n'est-ce pas?
Oui, mais c'est dans sa nature d'être gentille, souriante et facile d'approche. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas une attitude qu'elle a adoptée pour plaire aux gens. Plus naturel que Julie Masse, tu meurs! C'est un ange, cette fille-là, et je l'adore. C'est bien simple, tu ne peux pas connaître Julie Masse et ne pas l'aimer.

Vous avez été près d'elle il y a un an et demi, quand son père est décédé. Comment était-elle au cours de cette période?
C'est délicat, parler de ça. C'est quelque chose qui regarde Julie et les membres de sa famille, et je ne suis pas sûr d'être la bonne personne pour parler de ça. Aussi, je ne veux pas nécessairement rappeler ces événements à Julie.

Oui, mais elle en parle maintenant ouvertement...
Oui, c'est vrai... Ecoutez, tout ce que je peux dire, c'est que j'ai tenté d'être le plus présent possible pour elle et pour les membres de sa famille. Ce qu'il y avait de plus important à ce moment-là, c'était le bien-être de Julie. Elle a pris beaucoup de maturité depuis ces événements...

Avez-vous eu peur qu'elle n'abandonne sa carrière pour une période indéterminée?
Non, pas vraiment. J'ai été très franc avec elle. Je lui ai demande si elle voulait que l'annule quelques spectacles, et elle m'a répondu qu'elle se sentait prête a remplir ses engagements. Je peux vous dire que le soir où elle a interprété la chanson Sans t'oublier à Sorel, quelques jours a peine après le décès de son père, il y avait de l'émotion dans l'air. La famille de Julie était là, et c'était tellement prenant que je n'ai même pas été capable de la regarder chanter. Je me suis dirigé vers le côté de la scène, étouffé par l'émotion.

Est-ce qu'elle s'est confiée à vous sur cette épreuve?
Ça lui a pris du temps, quelque chose comme sept mois, à m'en parler. Moi, je ne lui en parlais pas, j'attendais que ça vienne d'elle. Un jour, pendant qu'on roulait en voiture, elle m'a dit "C'est la fête à mon père aujourd'hui." C'était la première fois qu'elle m'en parlait vraiment.

Ça vous a touché?
Et comment! Quand j'ai vu ce que Julie était en train de vivre, ça m'a fait comprendre l'importance de mes parents dans ma vie. Depuis le décès du père de Julie, je me suis davantage rapproché du mien et j'essaie de le voir le plus souvent possible. C'est pour ça que je l'emmène parfois avec moi en tournée pour qu'il puisse assister à des spectacles de Julie, entre autres. Je veux lui offrir du bon temps.

En terminant, comment décrire la complicité qui existe entre Julie et vous?
On se comprend du regard. Aussi, elle prend plaisir à s'assurer que je prends soin de moi. À mon anniversaire, l'an dernier, elle m'a offert un extracteur de jus en me disant de prendre soin de moi, de bien m'alimenter et de ne pas faire d'excès. Aussi, il lui arrive de m'offrir une journée dans un centre de santé pour que je puisse me détendre. Je vous le dis, c'est un ange, cette fille-là. Pourquoi pensez-vous que je dis que, s'il y a des gens qui parlent contre elle, c'est tout simplement parce qu'ils ne la connaissent pas?

7 Jours